C’est quoi le financement climat international ?
C’est l’engagement financier pris collectivement par les pays développés à soutenir les pays en développement face aux défis climatiques. Cet engagement date du sommet sur le climat de Copenhague (COP15) en 2009.
Pourquoi les pays développés ont-ils décidé de soutenir les pays en développement ?
Les pays en développement sont les plus vulnérables envers les changements climatiques alors qu’ils sont historiquement les moins responsables des émissions de gaz à effet de serre. Le financement climat est donc une question de solidarité internationale et de justice climatique.
Outre le principe d’équité, l’Accord de Paris (2015) prévoit un engagement des pays développés vis-à-vis des pays en développement : ces derniers acceptent de s’engager aussi à limiter leurs émissions de CO2, à condition que les premiers soutiennent leurs efforts en les finançant (atténuation). D’autre part, les pays développés veillent également à financer l’adaptation des pays en développement face aux conséquences des changements climatiques (adaptation).
Le financement climat n’est donc pas qu’une question de solidarité et de justice, c’est aussi une condition clé pour que les efforts de chacun permettent d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris.
Quel montant représente cette aide des pays développés aux pays en développement ?
En 2009, les pays développés ont pris des engagements concrets et chiffrés. Notamment celui d’atteindre l’objectif collectif de 100 milliards $ annuels, nouveaux et additionnels, d’ici à 2020. Par ailleurs, les pays développés se sont engagés à ce que leurs contributions au financement climat international soient croissantes.
Cet engagement des pays développés à atteindre les 100 milliards a-t-il été honoré ?
Force est de constater que les promesses financières faites par les pays développés n’ont pas été tenues. D’une part, en termes de quantité, il a été acté lors de la COP26 que l’objectif de 100 milliards ne serait pas atteint. Il a en effet été estimé que ce montant ne serait atteint que d’ici 2023 [1]. Ce premier constat crispe les relations entre pays du Nord et pays du Sud, déjà particulièrement tendues sur les questions de financement. Par ailleurs, en termes de qualité des financements, de nombreux financements sont octroyés sous forme de prêts et via des sources de financement privées, ce qui représente une tendance dangereuse dénoncée par la société civile [2].
Cette situation est d’autant plus problématique que l’objectif de 100 milliards de dollars annuels va être revu à la hausse : il a en effet été prévu qu’un nouvel objectif collectif, plus ambitieux, serait adopté en 2025.
A quoi cet argent est concrètement destiné ?
C’est un outil indispensable pour permettre aux pays en développement de respecter leurs engagements climatiques et d’adopter un mode de développement décarboné. Un exemple est le financement de l’accès à l’énergie pour les communautés, via la mise en place de réseaux d’énergie renouvelable partagée. Ces financements sont aussi des moyens pour s’adapter aux conséquences, déjà dramatiques, des changements climatiques. Ils peuvent servir par exemple à financer des stratégies de réhabilitation, de conservation et de protection de mangroves, qui contribuent à améliorer la résilience aux effets du changement climatique dans les zones côtières.
Comment est distribué cet argent ?
Le financement climat international peut être dépensé via des canaux bilatéraux (entre Etats) et multilatéraux. S’il existe différents fonds multilatéraux pour le financement climat international (Fonds pour l’adaptation, Fonds pour les pays les moins avancés), c’est le Fonds vert pour le climat qui devrait devenir, à terme, le principal canal de financement multilatéral. Ce dernier a organisé une première phase de refinancement en 2019, lors de laquelle le gouvernement fédéral belge a fait une promesse de 100 millions €, répartis sur les prochaines années.
Et la Belgique dans tout cela ? Bonne ou mauvaise élève ?
Deux points positifs d’abord. La Belgique, à l’instar de la Suède, du Danemark ou du Royaume-Uni, fournit la vaste majorité de ses financements climat sous forme de subventions. Elle fait donc bonne figure à cet égard. Elle a aussi fait le choix d’orienter son financement vers l’adaptation aux changements climatiques, et met l’accent sur les pays les moins avancés.
Mais le montant total apporté est largement insuffisant au vu de l’urgence de la situation. La Belgique s’est engagée à une contribution de 50 millions €/an, répartie entre les Régions et l’Etat fédéral, puisque, rappelons-le, quatre ministres s’occupent du climat dans notre pays. D’année en année, cette contribution varie mais n’est pas croissante. Ainsi, la Belgique a apporté une contribution à hauteur de 100,7 millions € en 2020, un montant supérieur à celui de 2019 mais inférieur à celui de 2017. Par ailleurs, les contributions belges sont globalement bien inférieures à celles de nos voisins.
Depuis le 31 décembre 2020, la Belgique n’a plus d’engagement politique officiel en termes de financement climat international. Il est urgent qu’elle adopte une nouvelle contribution, additionnelle au budget de coopération au développement.
Qu’entend-on par du financement « nouveau et additionnel » ?
Le financement climat international doit être additionnel aux financements dédiés à l’aide publique au développement (0,7% du RNB). Les engagements pris l’ont été dans deux enceintes différentes des Nations Unies, et le financement climat est un financement qui s’ajoute car la crise climatique vient aggraver d’autres difficultés de développement préexistantes.
Or en 2020, 98% du financement climat belge était issu du budget de la coopération au développement et donc non-additionnel. La Belgique comptabilise deux fois l’argent versé à la coopération au développement : une fois en tant qu’aide au développement et une seconde fois comme financement climatique.
Bien sûr, l’aide au développement doit idéalement elle-même aider à la lutter contre le réchauffement, mais il est essentiel que des financements supplémentaires soient dédiés à l’atténuation et à l’adaptation.
La non-additionnalité du financement climat est d’autant plus problématique que la Belgique ne respecte pas ses engagements en matière d’aide au développement (engagement à consacrer 0,7% de son RNB à la coopération au développement).
Pourquoi se mobiliser maintenant pour le financement climat international ?
Notre pays s’est engagé pour le montant de 50 millions € par an pour la période 2013-2020. Cet engagement a expiré le 31 décembre 2020. Une nouvelle promesse de financement, plus équitable, doit donc être adoptée le plus vite possible avant la fin de l’année entre le gouvernement fédéral et les gouvernements régionaux.
Quelle serait le montant d’une juste contribution de la Belgique ?
Selon des calculs effectués par le CNCD-11.11.11 sur base des capacités financières de notre pays et de notre degré de responsabilité, il ressort qu’une contribution équitable belge atteindrait au moins 500 millions €/an.
500 millions ! Est-ce un montant réaliste ?
Oui…
- …si on regarde le RNB de notre pays !
Le financement climat international est aujourd’hui une goutte d’eau du RNB : la Belgique dépense actuellement environ 0,02 % de son revenu national brut pour le financement climat international (Act Alliance 2021). - … si on compare à nos pays voisins !
Si on compare les contributions au financement climat des pays membres de l’Union européenne, tous nos voisins sans exception font mieux que nous. Ainsi, la France donne 0,06 % de son RNB au financement climat, le Luxembourg 0,07. - …si on regarde les sommes dépensées par la Belgique dans les énergies fossiles !
En Belgique, selon le SPF Finances, c’est 13 milliards d’euros qui sont dépensés annuellement en subventions directes et indirectes aux énergies fossiles. Ce rapport établit qu’au niveau fédéral, l’Etat soutient (majoritairement de manière indirecte) des énergies très émettrices de gaz à effet de serre, tels que le gaz naturel, le mazout, le diesel… Un exemple ? La TVA réduite sur les services aériens ou maritimes ou encore le système des voitures de société et les cartes carburant.
Si ces aides publiques vont non seulement à l’encontre des objectifs climatiques que s’est fixée la Belgique, elles sont également largement supérieures aux besoins en termes de financement climat. 500 millions d’euros par an représente en effet une contribution largement inférieure (26 fois moins !) à celle allouée chaque année aux énergies fossiles en Belgique. - …si on regarde l’argent qui dort
Les revenus issus du marché ETS (le système d’échange de quotas carbone de l’Union européenne) que la Belgique reçoit chaque année, à échelle de plusieurs centaines de millions par an. Il y a aujourd’hui environ 775 millions d’euros qui dorment sur ce compte et qui pourraient largement venir alimenter la contribution belge au financement climat international. Seul bémol : ce fonds est bloqué, en attente d’un accord entre les différents ministres du climat pour répartir les objectifs climatiques entre eux !
Que demande exactement le CNCD-11.11.11 aux représentant·e·s politiques ?
La Belgique doit adopter une nouvelle contribution au financement climat international. Cela veut dire que l’État fédéral et les trois Régions doivent
- S’accorder sur un nouvel engagement de la Belgique pour le financement climat, qui doit être inscrit dans un Accord de coopération (dit de « Burden sharing », càd de répartition des efforts climatiques entres les entités compétentes). Ce montant devrait être d’au moins 500 millions par an.
- Chacun respectivement budgétiser (dès 2022 pour le budget 2023) un engagement financier plus important que ces dernières années, pour assurer de contribuer au nouvel engagement national.
Ces engagements doivent être additionnels au budget de la coopération au développement (additionnalité). C’est d’ailleurs l’engagement pris dans la déclaration du gouvernement fédéral. Par ailleurs, ces engagements doivent continuer de privilégier un financement pour l’adaptation avec une attention particulière pour les pays les plus vulnérables.