Justice fiscale

Pour réduire les inégalités et financer la transition écologique et sociale !
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Le défi

Face aux crises multiples auxquelles le monde est confronté, les moyens manquent. La réalisation des 17 Objectifs de développement durable définis dans le Programme 2030 des Nations Unies (faim, santé, éducation, eau, inégalités, énergie, etc.) nécessite un montant estimé entre 3 500 et 5 000 milliards USD par an (soit 4,7 à 6,7 % du PIB mondial).

Atteindre ces objectifs de développement humain nécessite donc de mobiliser des moyens substantiels, notamment à travers la fiscalité. Or, aujourd’hui, les systèmes fiscaux sont inefficaces et injustes. Grâce à diverses pratiques d’évasion fiscale, les grosses fortunes et les entreprises multinationales parviennent à payer très peu, voire pas du tout d’impôt : l’évasion fiscale représente un manque à gagner de 483 milliards USD chaque année, dont 312 milliards USD correspondent à des transferts réalisés par des multinationales dans des paradis fiscaux [3].

Cette dynamique est accentuée par la concurrence fiscale entre les États qui, dans le but d’attirer les investisseurs étrangers, offrent des conditions d’installation de plus en plus attractives pour les entreprises et ce, alors qu’il est démontré que l’optimisation fiscale n’est pas un déterminant essentiel. En effet, les investisseurs sont sensibles à la localisation de leurs implantations, la présence d’infrastructures de qualité et d’une main d’œuvre qualifiée pesant au moins autant dans la balance que les avantages fiscaux ou les bas salaires[1]. Résultat : toutes les facilités sont données pour échapper à l’impôt réellement dû. On parle de « course au moins-disant fiscal ».

Cette injustice fiscale implique donc qu’une poignée de personnes et de sociétés fortunées sont favorisées au détriment des classes moyennes et des personnes les plus pauvres, qui doivent compenser ces pertes à travers l’impôt sur le revenu ou la TVA, et qui sont frappées par le délitement des services publics (éducation, santé, justice, etc.). Ce sont ainsi les personnes qui souffrent d’autres formes d’injustice, notamment de genre, qui sont le plus violemment touchées [4].

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L’alternative

Pour agir face à la crise multiple et endiguer les inégalités dans le monde, il est nécessaire de se battre pour plus de justice fiscale. La justice fiscale signifie une meilleure coopération fiscale internationale pour enrayer la course entre Etats au moins-disant fiscal, une répartition plus équitable des contributions des différents acteurs économiques et une meilleure redistribution des richesses au sein de chacun des pays, en vue d’atteindre les Objectifs de développement durable définis dans le Programme 2030 de l’ONU.

Afin de rendre les politiques fiscales plus cohérentes avec le développement durable et la lutte contre les inégalités, il est nécessaire de taxer de manière équitable les revenus du capital et ceux du travail, de taxer les investissements spéculatifs davantage que les investissements productifs, et les activités polluantes davantage que celles qui respectent l’environnement. Pour y arriver, une volonté politique internationale est indispensable. En effet, ce sont des problèmes mondiaux qui demandent donc une coopération entre eux pour y mettre fin. Le contexte récent a d’ailleurs permis des évolutions en la matière.

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Ce que nous faisons

  1. Sensibiliser . Le CNCD-11.11.11 et ses membres publient régulièrement des analyses et autres publications sur la justice fiscale, telles que la récente étude sur la taxation des multinationales ; ils organisent et participent aussi à des conférences, débats et autres actions de sensibilisation sur le sujet. Une mallette pédagogique sur les inégalités mondiales est disponible sur commande.
  2. Interpeller. Pour promouvoir la justice fiscale, le CNCD-11.11.11 et ses ONG membres mobilisent les citoyennes et les citoyens et interpellent les responsables politiques. Le CNCD-11.11.11 coordonne le Réseau pour la justice fiscale (RJF) et est membre des réseaux Eurodad et Tax Justice Europe.
  3. Financer. Le CNCD-11.11.11 soutient financièrement des ONG et des réseaux qui luttent pour la justice fiscale à travers le monde. Parmi eux, LATINDADD est un partenaire de longue date de l’Opération 11.11.11, qui coordonne le réseau latino-américain pour la justice fiscale.
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Des avancées

  • La taxation des multinationales : un accord a été signé le 8 octobre 2021 par 137 (des 141) membres du Cadre inclusif OCDE/G20, afin de réformer le système de taxation des multinationales. Cet accord repose sur deux piliers : la taxation unitaire d’une partie des profits d’une centaine d’entreprises multinationales (le pilier 1) et l’instauration d’un taux minimum d’imposition des multinationales (le pilier 2) [16]. De nombreux détails n’étaient pas réglés au moment de sa signature et depuis, les négociations sur plusieurs aspects des deux piliers sont toujours en cours. L’Union européenne (UE) a été la première à proposer une directive pour la mise en œuvre du taux minimum d’imposition des multinationales (pilier 2) qui a été adoptée en décembre 2022.
  • Le 23 novembre 2022, une résolution déposée par le Groupe Afrique, regroupant 54 États, à l’Assemblée générale des Nations Unies sur la « Promotion d’une coopération fiscale internationale inclusive et efficace aux Nations Unies » [17] a été approuvée par consensus [18]. Il s’agit de la première étape d’un processus qui pourrait ouvrir la voie à la création d’instances fiscales internationales qui prennent réellement en compte les intérêts des pays du Sud.
  • Le rapportage public pays par pays (ou pCBCR selon l’acronyme anglais public Country by Country Reporting) est un outil qui permet de rendre plus transparentes les contributions fiscales des grandes entreprises telles que le nombre de filiales qu’elles possèdent dans chaque pays, les profits qu’elles y déclarent et les impôts qu’elles paient. L’Union européenne a fait un premier pas pour plus de justice fiscale en utilisant cet outil pour les secteurs extractif et forestier en 2013 et pour le secteur bancaire en 2015 [19]. Une directive visant à rendre public le CBCR à l’ensemble des secteurs a été votée fin 2021 mais elle n’est pas assez ambitieuse [20]. En parallèle, l’Organisation de coopération et développement économiques (OCDE) a proposé un système alternatif de CBCR confidentiel et un modèle de déclaration a été fourni aux multinationales : en général, les informations sont collectées par les pays où se situe le siège social d’une multinationale et sont échangées secrètement entre les administrations fiscales.
  • L’échange automatique d’informations bancaires : en 2014, les pays membres de l’OCDE se sont engagés à mettre progressivement en place ce type d’échange entre eux [21]. Un rapport publié en décembre 2020 par le Forum économique mondial a mis en avant que ces échanges sont « satisfaisants », même s’ils ne concernent pas encore l’ensemble des pays membres [22]. Ce mécanisme est important car il devrait permettre d’éviter que les grosses fortunes gardent ou créent un compte bancaire secret pour éviter de payer leurs impôts.
  • Le registre public sur les bénéficiaires des sociétés : la quatrième directive européenne anti-blanchiment [23] a permis d’instaurer un registre des bénéficiaires effectifs (aussi connu sous le nom de registre UBO, selon l’acronyme anglais Ultimate Beneficial Owner). Ce registre est important car il rassemble les informations sur les bénéficiaires effectifs aux sociétés, aux trusts et aux autres entités juridiques. Malheureusement, le 22 novembre 2022, la Cour de Justice de l’UE a déclaré invalide l’obligation légale de divulguer publiquement l’identité des bénéficiaires effectifs [24]. Cette décision va à l’encontre de la lutte contre l’évasion fiscale.
  • La taxation des transactions financières : en 2011, la Commission européenne a proposé l’instauration d’une taxe européenne sur les transactions financières internationales. À partir de 2012, elle a été discutée dans le cadre de la « coopération renforcée » par une dizaine d’États membres, qui n’ont toutefois pas réussi à trouver un accord. En mars 2017, les pays impliqués dans la négociation ont échoué à adopter un compromis pourtant moins ambitieux que la proposition initiale. Le thème est cependant de nouveau sur la table, puisque le Parlement européen a proposé une taxe sur les transactions financières (pour le 1er janvier 2024) comme une possible nouvelle source de recettes propres afin de financer le plan de relance.

Actualité

QuiLeila Oulhaj

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Téléphone+32 2 250 12 30

La justice fiscale expliquée en une minute